Le gouvernement Couillard a bloqué mercredi une nouvelle tentative de l’opposition visant à inciter la direction de Bombardier à abandonner ses augmentations pour 2016.
La motion de l’opposition officielle en ce sens a été battue à 61 contre 43 lors d’un vote en fin de journée. Les députés libéraux ont dû se lever tour à tour pour voter contre la motion, approuvant donc du même coup les hausses évaluées à 44 pour cent pour le président-directeur général, Alain Bellemare.
Depuis près d’une semaine, l’opinion publique est scandalisée par les majorations de salaires des hauts dirigeants de Bombardier, une entreprise qui a été sauvée de la faillite par une injection massive de plus de 3 milliards $ de fonds publics.
Selon le député péquiste de Sanguinet, Alain Therrien, qui a présenté la motion, le gouvernement aurait dû exiger des grands patrons de Bombardier qu’ils renoncent à leurs hausses de rémunération pour 2016, “mais pour ça, il faut s’acheter une colonne vertébrale” que n’a pas le gouvernement Couillard.
Il a accusé le premier ministre de ne pas dire la vérité aux Québécois, parce que les hauts dirigeants toucheront de généreux bonis en 2016-2017, bien avant que l’entreprise ne soit profitable. M. Bellemare, qui touchait près de 1,4 million $ US en bonis en 2015, allait empocher 2,36 millions $ US pour 2016, montant à payer l’année suivante, soit 2017.
Rappelons qu’à la suite du tollé, Bombardier a reporté de 2019 à 2020 le versement de la deuxième moitié des 32 millions $ US de hausses prévues au total pour ses hauts dirigeants, tandis que la première moitié, 16 millions $, allait cependant être versée comme prévu.
Pour sa part, la ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a justifié la position du gouvernement en affirmant que Bombardier avait posé un “geste clair” en reportant la hausse de la rémunération globale de 2019 à 2020.
“La colère est encore là, mais il ne faut jamais perdre de vue l’objectif: (…) on veut créer des emplois, que l’industrie de l’aérospatiale prospère”, a-t-elle affirmé en Chambre pendant le débat.
Mardi, le gouvernement avait refusé de débattre de chacune des motions présentées par les trois partis d’opposition, autant celle du Parti québécois (PQ), que celle de la Coalition avenir Québec (CAQ) et celle de Québec solidaire (QS).
Mercredi, pendant la période de questions, l’opposition a concentré ses tirs sur le président du conseil d’administration de Bombardier, Pierre Beaudoin, à qui on reproche de gagner bien plus que ses homologues malgré les déboires de l’entreprise.
Le chef caquiste François Legault a notamment souligné que le président du c.a. d’Airbus en Europe gagnait 240 000 euros par an, celui de Boeing 326 000 $ US, tandis que M. Beaudoin empoche 5 millions $ CAN, même après avoir renoncé à sa toute dernière hausse de salaire.
Le premier ministre Philippe Couillard a néanmoins martelé en Chambre qu’il n’avait pas l’intention de s’ingérer dans les politiques de rémunération de l’entreprise.
“Je ne crois pas qu’il appartient au gouvernement de se mêler des affaires internes des entreprises, à moins d’en être copropriétaires, à moins d’y être sur le conseil d’administration, ce n’est pas le cas”, a-t-il dit.
“Le premier ministre du Québec a été déculotté lorsque je lui ai appris que les présidents des c.a. d’Airbus et Boeing gagnaient 15 fois moins que celui de Bombardier, il n’a vraiment eu aucune réponse, il n’a aucune réponse à donner, il ne savait pas, il était tout rouge, cela n’a pas de bon sens”, a déclaré M. Legault.
Il lui demande de convoquer M. Beaudoin pour le forcer à réduire son traitement.
Toute cette controverse est née de l’annonce d’une hausse de près de 50 pour cent de la rémunération globale de six hauts dirigeants de la société la semaine dernière. Le PDG, Alain Bellemare, voyait sa rémunération passer de 6,4 millions $ US à 9,5 millions $ US, tandis que le président du conseil d’administration, Pierre Beaudoin, voyait la sienne gonfler de 3,8 millions $ US à 5,2 millions $ US.
De surcroît, la multinationale prévoit mettre à pied 14 500 employés d’ici à la fin de 2018. En 2016, elle a encaissé une perte de près de 1 milliard $.
L’entreprise a été renflouée notamment par 1,3 milliard $ d’Investissement Québec et 2 milliards $ de la Caisse de dépôt, en plus du prêt de 370 millions $ accordé par Ottawa.
M. Bellemare devra donc se contenter de 4,2 millions $ US. Il a attribué cette tempête politique à une erreur de communication. Quant à M. Beaudoin, il a renoncé à la majoration de sa rémunération.