Depuis le 23 février 2009, l’UNESCO a fait de Norouz une journée internationale figurant dans la liste de l’héritage culturel du patrimoine mondial. Sur son site Internet, il décrit Norouz en ces termes : « Le Novruz, ou Norouz, Nooruz, Navruz, Nauroz, Nevruz, marque le nouvel an et le début du printemps dans une zone géographique très étendue, comprenant, entre autres, l’Azerbaïdjan, l’Inde, l’Iran, le Kirghizistan, le Pakistan, la Turquie et l’Ouzbékistan. Il est fêté chaque 21 mars, date calculée et fixée à l’origine en fonction des études astronomiques. » [1]
Le mot « Norouz » est composé de deux morphèmes : “Now” et “rouz” qui signifient “nouveau” et “jour”. Il s’agit du nom attribué à la plus grande fête iranienne. Cette fête coïncide avec le premier jour du printemps (21-22 mars), au moment où le soleil entre dans le signe du bélier, le premier signe du zodiaque.
A propos des origines de cette fête, les chercheurs ont plusieurs avis, qui parfois divergent quelque peu, mais trouvent tous leur origine dans des rites et traditions ancestrales persanes. Selon les traditions iraniennes mythiques et zoroastriennes, Norouz est le jour où Dieu créa l’univers. [2] Il marque la renaissance. C’est également le jour de la création de Gayumarth [3], le premier roi mythique dans le Shâhnâmeh [4] de Ferdowsi, qui fut plus tard assimilé à Adam. [5]
D’après Omar Khayyâm [6] dans son œuvre Norouz-nâmeh qui signifie “Lettre du nouvel an”, “la raison de l’apparition de Norouz vient du fait que le soleil a deux cycles : l’un d’eux est celui de 365 jours, un quart au terme desquels il revient à zéro degré du signe du bélier, le même jour et à la même minute où il l’a quitté.” [7] C’est la raison pour laquelle chaque année dure 365 jours.
D’après le récit du Shâhnâmeh de Ferdowsi, grand poète iranien du Xe siècle, promoteur de la langue et de la culture persane, Norouz correspond au jour du couronnement du mythique roi perse Djamshid : “Il fit un trône digne d’un roi, et y incrusta toute sorte de pierreries ; et à son ordre les Divs [8] le soulevèrent et le portèrent de la terre vers la voûte du ciel. Le puissant roi y était assis comme le soleil brillant au milieu des cieux. Les hommes s’assemblèrent autour de son trône, étonnés de sa haute fortune ; ils versèrent sur lui des joyaux, et donnèrent à ce jour le nom de jour nouveau/ Noeurouz (sic) : c’était le jour de la nouvelle année, le premier du mois Ferverdïn. En ce jour, le corps se reposait de son travail, le cœur oubliait ses haines. Les grands, dans leur joie, préparèrent une fête… et cette glorieuse fête s’est conservée, de ce temps jusqu’à nous, en souvenir du roi.” [9]
Le Shâhnâmeh relate que le guerrier Djamshid s’était toujours battu contre le mal. C’est à l’issue victorieuse d’une grande bataille qu’il fut couronné roi, apportant la liberté et la paix à son peuple. C’est ainsi que la date du couronnement du roi devint une fête, Norouz, qui fut célébrée chaque année au palais de l’Apadana [10]. Cependant, dans la plupart des textes anciens persans, Djamshid, l’empereur pishdadien de la Perse, est cité comme le fondateur de cette fête.
Il est aussi intéressant de savoir que les symboles de Norouz et du nouvel an iranien, véritables œuvres architecturales, peuvent aujourd’hui encore être admirés sur les murs de Persépolis. Ils sont les témoins de la renaissance et du renouvellement de la Nature. Il s’agit de deux animaux : le lion et la vache. Selon les archéologues, le premier est le symbole de la chaleur et du soleil et l’autre le symbole du froid, de la lune et de la nuit. Ces gravures sur les murailles des escaliers du palais de l’Apadana nous montrent la bataille entre un lion et une vache, dans laquelle il semble que c’est le lion qui va vaincre. La victoire du lion est l’emblème du Norouz et l’arrivée du nouvel an. Sur le reste des gravures figurent des troupes armées rassemblées autour du roi achéménide ; elles fêtent la fin du froid et de l’hiver.
Les fêtes de Norouz sont préparées dès le dernier mois de l’hiver, les Iraniens font alors un grand nettoyage dans les maisons afin d’accueillir au mieux la nouvelle année. Tout d’abord, dès le début du mois de mars, on fait germer des lentilles ou du blé dans une assiette qui, une fois levés, formeront un petit tapis haut d’une dizaine de centimètres et que l’on ceinturera d’un ruban de couleur plutôt rouge. Pour ce faire, on prend les lentilles ou le blé que l’on dépose dans une assiette puis que l’on couvre avec un chiffon ou du coton et que l’on conserve dans un endroit relativement abrité à l’intérieur. Quand les germes apparaissent, on découvre les assiettes : c’est ce qu’on nomme sabzeh, symbole le plus important de Norouz, comme le sapin de Noël chez les chrétiens.
Durant cette période se déroulent aussi les cérémonies des achats de Norouz, achats qui doivent se faire en famille et qui consistent avant tout en l’achat d’habits neufs, spécialement pour les enfants. On achète également des produits et des aliments qui vont servir pour le jour même de Norouz. Durant les derniers moments précédant le passage à l’année suivante, c’est-à-dire la veille du nouvel an, les rues sont très animées. Le lendemain, le 1er Farvardin (21 mars), 1er jour de la nouvelle année, débutent les traditionnels ’eïd didani, « les visites de famille ». Selon les traditions, c’est toujours aux plus jeunes d’aller rendre visite aux personnes les plus âgées de la famille. En allant rendre visite aux grands-parents, aux oncles et tantes de leur famille, les enfants reçoivent des cadeaux ou parfois de l’argent.
Toute la famille se réunit autour du plat traditionnel du 1er jour de Norouz : sabzi polo bâ mâhi. Il s’agit d’un plat de riz avec des herbes hâchées et parfumées comme du persil, de l’aneth et de la ciboulette. Ce plat est toujours servi avec du poisson et un plat de koukou sabzi, sorte d’omelette aux herbes (ce sont les mêmes herbes que pour le sabzi polo).
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Les haft sin
La tradition principale de Norouz est la disposition des haft sin. Il s’agit de sept éléments dont le nom commence par la lettre “s” ou sin de l’alphabet persan. On les dispose sur une nappe sur la table et ils y restent jusqu’au 13e jour après le nouvel an.
Le sabzeh, l’un des sept “s” ou éléments annonciateurs de l’an nouveau
Le plus souvent, on décore la table avec d’autres objets tels que des œufs colorés (symbole de fertilité), des bougies (bonheur), des poissons rouges (vie), ainsi qu’avec le Coran, le Divân de Hâfez ou le Shâhnâmeh et un miroir. Voici quelques objets avec lesquels les Iraniens décorent leur table de haft sin [11] :
sabzeh – germe de blé ou lentille poussant dans un plat (symbole de la renaissance)
sir – ail (symbole de la médecine)
samanou – crème très sucrée faite avec des germes de blé (symbole de l’abondance)
senjed – fruit séché du jujubier (symbole de l’amour)
somâq – baies de sumac (symbole de la couleur du lever du soleil et santé)
sib – pomme (symbole de la beauté et bonne santé)
serkeh – vinaigre (symbole de l’âge et la patience)
sonbol – jacinthe (symbole de l’arrivée du printemps)
sekkeh – pièces de monnaie (symbole de la prospérité et de la fortune)
Hélène Beury, Shahzâd Madanchi at Tehran.ir
Notes
[2] A. Rouhbakhshan, Luqmân, p. 103.
[3] Un nom avestique mythologique.
[4] Littéralement « le livre des Rois ».
[5] Op.Cit., p. 104.
[6] Ecrivain et savant né au XIème siècle à Nishâpour en Perse.
[7] Op.Cit., p. 105.
[8] Démon.
[9] Op.Cit., d’après une traduction du livre des rois par Jules Mohl.
[10] Une salle de trône qui devient le palais des rois à l’époque achéménide.