Radio Canada – Une PME montréalaise estime que l’absence d’ambassade canadienne en Iran pourrait lui faire perdre un contrat de plusieurs dizaines de millions, alors que les entreprises européennes et asiatiques peuvent compter sur leurs diplomates respectifs à Téhéran pour les aider à faire des affaires.
Un reportage de Bahador Zabihiyan
À l’usine AS Composite de Pointe-Claire, on fabrique des panneaux d’un genre particulier. Ils font 2 centimètres d’épaisseur, ils sont très légers et, surtout, très résistants. Ils résistent aux coups de masse d’Hossein Borazghi, le président de l’entreprise. AS Composite exporte sa technologie brevetée, en mettant sur pied des co-entreprises. La compagnie en a déjà créé une en Algérie.
Son président rêve désormais d’une usine iranienne équipée de machines fabriquées au Québec qui exporterait partout au Moyen-Orient.
Et depuis quelques mois, son entreprise peut en théorie exporter vers l’Iran. La République islamique ayant signé un accord pour encadrer son programme nucléaire l’année dernière, une bonne partie des sanctions internationales visant le pays a été levée.
Mais les relations entre le Canada et l’Iran sont loin d’être au beau fixe, comme en témoigne l’emprisonnement à Téhéran de la Canadienne Homa Hoodfar. D’ailleurs, l’ambassade canadienne en Iran est fermée depuis 2012.
Le chef d’entreprise craint de passer à côté d’un contrat de plusieurs dizaines de millions de dollars, car il est très difficile d’obtenir des visas pour inviter des clients potentiels à Pointe-Claire.
Sans voir les machines, je ne pense pas que quelqu’un soit prêt à signer un chèque de quelques millions de dollars pour acheter des machines.
Hossein Borazghi, AS Composite
Autre problème : les banques canadiennes ne veulent pas l’aider dans ses projets. Même chose du côté d’Exportation et développement Canada (EDC), qui offre des services d’assurance.
« On est presque à la limite de signer une entente finale, mais encore, le financement, c’est toujours un problème. Si les banques canadiennes ou EDC m’avaient soutenu, j’aurais déjà signé », déplore l’entrepreneur.
L’Iran est un important marché pour nombre d’entreprises avec ses 80 millions d’habitants, mais il faut bien comprendre les risques de ce marché émergent, dit Amir Mirchi, le président d’Auryce, un cabinet de conseil. « L’Iran a besoin de rebâtir tout son secteur industriel », dit-il.
Certaines compagnies étrangères s’en tirent mieux que d’autres pour l’instant, dit M. Mirchi, qui a longtemps œuvré au Moyen-Orient.
Les pays qui sont présentement très actifs en Iran, ce sont les pays européens, les Japonais, les Sud-Coréens et les Australiens. Et toutes ces entreprises sont très soutenues par leurs gouvernements.
Amir Mirchi, le président d’Auryce, un cabinet de conseil
Le président d’AS Composite a tout de même bon espoir de voir bientôt en Iran des maisons abordables fabriquées avec ses panneaux de fibre de verre. Il compte retourner de nouveau là-bas pour un quatrième voyage d’affaires en moins d’un an. Et il espère que cette année, il y croisera des diplomates canadiens.
Affaires mondiales Canada ne donne pas de date en ce qui concerne une éventuelle réouverture des ambassades respectives, précisant toutefois que les relations diplomatiques ont été rétablies.
Le Service des délégués commerciaux du Canada offre un appui aux entreprises canadiennes par l’entremise du Consulat général du Canada […] à Dubaï.
Natasha Nystrom, porte-parole, Affaires mondiales Canada
Toutefois, le ministère indique que les entreprises canadiennes sont libres d’aller faire des affaires en République islamique, du moment qu’elles respectent les règlements internationaux.
De son côté, EDC a une approche au cas par cas. « EDC considère activement la possibilité de faire affaire en Iran, compte tenu de la levée de certaines sanctions par le gouvernement du Canada. Bien qu’EDC soit ouverte au marché, des contrôles et des restrictions demeurent », dit Phil Taylor, porte-parole d’EDC.