Il n’est clairement pas dans l’intérêt économique des États-Unis de compromettre l’intégration des grands manufacturiers américains comme Ford, Fiat Chrysler et General Motors qui possèdent plusieurs usines d’assemblage au Canada.
Un tweet à la fois, le président élu Donald Trump alimente l’incertitude dans l’industrie automobile nord-américaine. Sa menace d’imposer des tarifs à la frontière américano-mexicaine pour protéger l’industrie automobile soulève la possibilité que le Canada puisse lui aussi être touché par une telle mesure. Si tel était le cas, les conséquences économiques pourraient être très néfastes tant pour les Américains que les Canadiens puisqu’après un demi-siècle de libéralisation des échanges, les industries automobiles des deux pays sont aujourd’hui complètement intégrées.
Avant de se laisser berner par la promesse d’un monde meilleur où le « made in chez nous » est la norme, il est important de se rappeler un passé pas si lointain. Au début des années 1960, l’industrie canadienne de l’automobile était entravée par d’importantes barrières tarifaires. Un nombre restreint d’entreprises produisaient peu de voitures, destinées presque exclusivement aux consommateurs canadiens. La production totale canadienne n’était alors que de 379 000 véhicules par an ce qui était largement insuffisant pour obtenir des économies d’échelle substantielles. Par conséquent, une voiture achetée au Canada était jusqu’à 50 % plus dispendieuse que si elle avait été achetée aux États-Unis, et les consommateurs canadiens avaient accès à une moins grande variété de modèles.
L’effet bénéfique de l’ouverture des frontières
En 1965, un conflit commercial entre les États-Unis et le Canada a débouché sur le Pacte de l’automobile. Cet accord permettait aux grands manufacturiers ainsi qu’à leurs fournisseurs d’intégrer leurs installations des deux côtés de la frontière en réduisant substantiellement les tarifs douaniers.
Cette intégration transfrontalière et la réorganisation de la production ont permis une allocation plus efficiente des ressources découlant d’un niveau accru de spécialisation et d’économies d’échelle. L’ouverture de la frontière a encouragé l’élargissement des chaînes logistiques de l’industrie de sorte qu’une plus grande variété de fournisseurs en provenance des deux pays a pu être impliquée dans la fabrication d’une même voiture.
L’intégration du marché nord-américain de l’automobile s’est encore plus accentuée avec l’entrée en vigueur de l’ALÉNA en 1994, qui a supplanté le Pacte de l’auto. Celui-ci a été aboli en 2001 lorsque certaines de ses dispositions ont été déclarées illégales par l’Organisation mondiale du commerce.
Source de prospérité
Depuis l’ALÉNA, la valeur de la production et des exportations de l’industrie automobile canadienne a augmenté de façon substantielle. En tenant compte de l’inflation, la production des usines d’assemblages et des fournisseurs de pièces est passée de 51,2 milliards $ en 1992 à 92,7 milliards en 2015, une augmentation de 81 %. Parallèlement, on a observé une hausse de 72 % des exportations qui atteignent maintenant pas moins de 77 milliards $.
Cette hausse s’explique principalement par une augmentation du volume des échanges commerciaux sur le marché américain qui représente 96 % des exportations canadiennes pour cette industrie. Les échanges sont d’ailleurs très concentrés entre l’Ontario, où l’on retrouve la quasi-totalité de la production automobile canadienne et des emplois, et le Michigan.
L’imposition de contraintes à la frontière canado-américaine permettrait peut-être des gains à court terme pour un nombre restreint de travailleurs américains, mais les consommateurs devraient éventuellement payer davantage pour obtenir la même voiture. À plus long terme, les entreprises américaines situées aux États-Unis pourraient voir leur compétitivité relative diminuer face aux fabricants japonais, sud-coréens et européens. Si cela se produit, le nombre de voitures produites en sol américain pourrait diminuer et des emplois seraient perdus.
Pour toutes ces raisons, il n’est clairement pas dans l’intérêt économique des États-Unis de compromettre l’intégration des grands manufacturiers américains comme Ford, Fiat Chrysler et General Motors qui possèdent plusieurs usines d’assemblage au Canada. Il reste à voir si d’autres considérations de nature plus politique ne motiveront pas la nouvelle administration Trump à adopter quand même des mesures protectionnistes.
Source: contrepoints.org