Le Canada, perçu comme une nation respectueuse des lois et garante de la justice sur le plan international, fait face depuis quelques années à un phénomène préoccupant qui ébranle cette image [10–13,16]. Des activistes politiques radicaux et extrémistes, profitant des libertés politiques et des complexités du système judiciaire, offrent systématiquement refuge et protection à des individus accusés dans leur pays d’origine de crimes financiers graves : détournements de fonds, corruption à grande échelle et fraudes économiques massives [1–4].
Ce rapport fait à la suite d’une première publication datée du 10 septembre dernier. Il analyse les mécanismes ayant permis à certains accusés financiers iraniens de recycler leurs actifs douteux dans le cadre légal canadien et d’y constituer des réseaux économiques, médiatiques et politiques. Ces tactiques comprennent :
- La création d’une couverture médiatique et politique :
Des personnes telles que Mahmoud Reza Khavari et Marjan Sheikholeslami sont entrées au Canada malgré de lourdes accusations de corruption et de détournement de fonds en Iran [1–4,7–9,22–23]. Khavari, ancien président de Bank Melli Iran, a fui au Canada en 2011 après la révélation d’une fraude bancaire de 2,6 milliards de dollars ; il a ensuite été condamné à 30 ans de prison par contumace, et Interpol a émis un mandat d’arrêt contre lui en 2017 [1–3,22].
De son côté, Marjan Sheikholeslami est accusée dans deux affaires majeures de détournement de fonds publics et de création de sociétés en Iran et en Turquie afin de contourner les sanctions internationales et de vendre des produits pétrochimiques, sans restituer les fonds à l’État iranien [7–9,23].
Ces individus ne sont pas arrivés comme réfugiés politiques, mais via des canaux légaux de résidence. Ils ont compris qu’il ne s’agissait pas de respecter la loi, mais de se dissimuler derrière elle, exploitant les failles judiciaires, la lenteur des procédures et les droits étendus des résidents pour transformer leur statut d’accusés en celui de victimes à protéger.
Dans des villes comme Vancouver, Montréal et Toronto, des acteurs médiatiques tels que Mira Nassiri, Kamran Malekpour et Shahram Yazdanpanah ont contribué à forger cette image inversée [17–21]. Dans leurs émissions, publications ou débats diffusés notamment sur les réseaux sociaux, ces accusés sont présentés comme des « combattants de la liberté » ou des « victimes du gouvernement iranien », sans mention de l’origine des fonds transférés ni de l’absence de jugement au Canada. La voix des plaignants est ainsi étouffée. Ce discours vise clairement à susciter la sympathie du public et à détourner l’attention des procédures judiciaires.
- Les abus liés à la lenteur des processus judiciaires :
Le système judiciaire canadien est reconnu pour ses procédures méticuleuses et souvent longues [16]. Des réseaux d’avocats spécialisés en immigration et de personnalités médiatiques ont exploité cette lenteur pour multiplier les recours et retarder pendant des années les procédures d’extradition ou la révision des accusations.
Ainsi, le temps devient un refuge et l’avocat un bouclier, tandis que les capitaux continuent à circuler, les biens immobiliers changent de mains et les traces de la corruption s’effacent dans les méandres juridiques.
- Les activités économiques et transferts de fonds suspects :
Des capitaux d’origine obscure s’infiltrent dans l’économie canadienne par le biais d’entreprises de construction, de fonds d’investissement ou de sociétés familiales [10–15]. Des rapports font état de la collaboration de conseillers immobiliers et d’intermédiaires financiers avec ces individus, qui, contre des commissions inhabituelles, légitiment en catimini des capitaux suspects.
Le rapport Cullen en Colombie-Britannique (2022) a révélé que des milliards de dollars avaient été blanchis à travers le marché immobilier, avec des mécanismes similaires [10–12,15]. Dans ce contexte, certains acteurs du lobby anti-iranien présentent ces individus comme des « défenseurs des droits », opérant ainsi une véritable inversion des rôles.
- L’assassinat de caractère et la création d’un climat de peur :
Pour réduire au silence les voix critiques, ces réseaux utilisent une stratégie d’assassinat de caractère : toute personne ou institution qui ose questionner leurs activités est accusée d’être un « agent de la République islamique » ou un « partisan de la dictature » [17–21].
Des figures comme Kamran Malekpour et Mira Nassiri à Vancouver, ou Shahram Yazdanpanah à Montréal, sont souvent citées dans les échanges communautaires et les médias persanophones comme étant à l’avant-garde de ces attaques répétées [17–21].
Certaines de ces personnes font elles-mêmes l’objet de plaintes en Iran et au Canada, bien qu’aucune condamnation définitive n’ait été prononcée contre elles au Canada.
- L’infiltration des institutions civiles et politiques :
Ces réseaux cherchent aussi à influencer les politiques d’immigration et de sécurité en établissant des liens avec des politiciens locaux, des médias canadiens et des groupes anti-iraniens [10–15,17–21]. Ils utilisent leur visibilité médiatique pour se présenter comme les représentants légitimes de la diaspora iranienne et orienter le débat public à leur avantage.
Certains rapports non officiels de la communauté irano-canadienne et des médias sociaux citent les activités de personnes telles que Kaveh Shahrouz, Nazanin Afshin Jam, Ramin Zhubin et Sadegh Bigdali qui se revendiquent également comme des renverseurs du régime iranien, pour nouer des relations avec des responsables locaux et des médias canadiens, comme exemples de ces efforts visant à influencer et à modifier de l’intérieur les politiques contre la communauté irano-canadienne. Cependant, ces allégations n’ont encore été prouvées devant aucun tribunal.
L’ensemble de ces processus a conduit à la formation d’un réseau complexe mêlant capitaux, médias et influence politique, exploitant les failles du système juridique canadien pour créer un écosystème opaque au sein d’un pays libre.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la loi ou la liberté, mais de dénoncer l’absence d’éthique, l’inaction des institutions de régulation et le silence d’une partie de la communauté irano-canadienne, qui ont permis l’émergence d’une corruption silencieuse.
La question centrale demeure : à qui profite cette situation ? Et pourquoi la communauté irano-canadienne reste-t-elle si silencieuse face à ce renversement des valeurs ?
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Références :
- Radio Farda / RFE-RL. Former Bank Melli Chief To Be Tried In Absentia…, 9 oct. 2017.
- Financial Post. An Iranian fugitive, Toronto property mogul and a deal gone awry, 17 juin 2016.
- Bloomberg. The Condo Feud That Erupted Between an Iranian Fugitive and a Toronto Mogul, 17 juin 2016.
- IranWire. Iranians Accused of Embezzlement Seek Shelter in Canada, 29 avr. 2022.
- Sénat du Canada, comité AEFA. Compte rendu, 2012.
- Chambre des communes, SDIR. Témoignages, 2012.
- Radio Farda. Suspect in Alleged Money Laundering/Sanction-Busting Case Rejects All Charges, 17 mars 2019.
- IranWire. Iran’s Great Petrochemical Corruption Scandal, série, 7 fév. 2022.
- Middle East Eye. Landmark corruption case…, 14 mars 2019.
- Commission Cullen (C.-B.). Rapport final, 3 juin 2022.
- Gouvernement de la C.-B. Communiqué, 3 juin 2022.
- Gouvernement du Canada. Communiqué, 17 juin 2022.
- FINTRAC/CANAFE. Rapport annuel 2023-2024.
- FINTRAC/CANAFE. Obligations du secteur immobilier (2023–2024).
- Osler. Cullen Commission releases final report…, 23 juin 2022.
- CBC News. Concerns that B.C. court delays are creating “injustice system”, 8 oct. 2024.
- Medad.ca (FA). Page auteur « Shahram Yazdanpanah » + article du 2 sept. 2025.
- Hafteh.ca (FA). Article sur une mise en demeure visant Medad / Yazdanpanah, 8 janv. 2025.
- Comptes publics Mira Nassiri (Instagram/X).
- Hafteh.ca (FA). Article sur Mira Nassiri.
- Kamran Malekpour. Site, podcasts et chaîne YouTube.
- Iran urges Canada to separate politics from financial crimes in Khavari extradition case, Mahmoud Reza Khavari (Tehran Times, October 15, 2024).
- Iranian charged in $6 billion case with disrupting Iran’s economy by moving money for sanctions avoidance, immigrated to Canada, Marjan Sheikholeslami ( Christine Duhaime | April 13th, 2019).
Par : Nima Soroush Nia