Avec 88 millions en quatre ans, le Conseil des arts du Canada (CAC) veut montrer la voie dans l’ère numérique. Le CAC mise sur un Fonds stratégique souple, plutôt qu’un programme, dont l’utilité sera réévaluée dans deux ans.
En décrivant ce plan ambitieux lors d’un Sommet canadien sur les arts à l’ère du numérique hier à Montréal, le directeur du CAC, Simon Brault, a dit miser sur les arts et les artistes avant tout.
«Dans le monde, dit-il en entrevue, les politiques numériques ont voulu régler des problèmes industriels ou post-industriels et, à la fin, on a cherché à aider les créateurs. Nous, on commence par ça. On veut des initiatives concrètes qui peuvent avoir un impact sur un secteur plutôt que de donner un avantage à tel orchestre ou tel musée.»
En présence des dirigeants des conseils des arts des provinces canadiennes, dont le CALQ, et de représentants du monde des arts, Simon Brault a souligné que «l’art est la preuve que la technologie ne suffit pas». Il a fait appel à la solidarité des artistes et de leurs regroupements.
«À Silicon Valley, ils ont des informations sur les préférences culturelles de plus de 2 milliards d’êtres humains et ici, on ne s’échange même pas les listes d’abonnés entre opéras et orchestres.»
«On ne connaît pas les gens qui aiment les arts, alors que technologiquement, on a la capacité de le faire. Il faut penser autrement et investir dans ce sens-là.»
La force du groupe
Le Fonds numérique n’encouragera pas les initiatives individuelles, mais les projets qui profitent à plusieurs artistes, organismes ou à un secteur.
«On les force à se parler, affirme Simon Brault. Les gens sont habitués à travailler en silos. On veut amener un changement de paradigme. On pense avoir une masse critique de ressources pour le réaliser.
«Par exemple, une maison d’édition, poursuit-il, pourra soumettre une initiative qui touche l’ensemble du secteur de l’édition si elle reste très proche de la question de l’art. Au Conseil des arts, notre mandat n’est pas de régler les problèmes de l’industrie, mais de s’assurer que la littérature a un avenir. Au Québec, il y a de petites maisons indépendantes qui ont déjà de nouvelles façons de travailler.»
Trois axes
La directrice du Fonds, Sylvie Gilbert, a expliqué que le CAC veut aider le secteur des arts à profiter du numérique tout en restant pertinent. Les trois axes du Fonds sont: la littératie et l’intelligence numérique, l’accessibilité et l’engagement citoyen et la transformation des organismes.
Pour juger les projets, le Fonds s’appuiera sur « des comités d’experts, même internationaux, qui sont vraiment dans le numérique. Ils vont pouvoir mesurer l’impact des initiatives », précise Simon Brault.
Dans deux ans, le Conseil entend réévaluer l’utilité de ce Fonds stratégique, s’il faut l’augmenter, notamment.
«En 2021, dit M. Brault, le Fonds numérique représentera environ 10 % des investissements du Conseil. C’est un gros montant, mais ce n’est pas déraisonnable.»
Les géants numériques – tels Google et Facebook – ne sont évidemment pas dans la ligne de mire d’un conseil des arts quel qu’il soit, mais des projets émanant du milieu en tiendront probablement compte.
«On en est très conscients. Ce qu’on veut absolument éviter, c’est que toute l’intelligence numérique soit à l’extérieur du secteur, qu’il se crée des agences dont on devient dépendants. On veut des projets internes qui développent des capacités internes. Ça fait partie des critères d’évaluation. On veut s’assurer que le moteur ne soit pas le commerce et la création de monopoles», conclut M. Brault.